top of page
Le

jeu

de

possessioN

EST-IL dépassé ?

Un champion du monde pas comme les autres

L’été dernier, l’Équipe de France s’est imposée lors de la Coupe du Monde en Russie avec un style de jeu efficace, mais décrié et en totale rupture avec celui des deux derniers lauréats. À savoir : le jeu de possession.

arton101653.jpg

Organisés autour d’un bloc bas, attentifs et attentistes, les Bleus sont venus à bout d’une Belgique adepte du redoublement de passes, avec seulement 36,4% de possession, en demi-finale du Mondial. (Crédit : Toutelatele.com)

15 juillet 2018. Il est un peu plus de 20h30 sur la pelouse du stade Loujniki de Moscou, et l’Équipe de France de football mène aux points en finale de la Coupe du Monde face à la Croatie. Moment choisi par Paul Pogba pour entrer en scène. Servi à l’entrée de la surface par Antoine Griezmann, "la Pioche" tente sa chance du pied droit. En vain. Contré par une muraille au damier rouge et blanc, le numéro 6 récidive du gauche. Et fait mouche. 3-1, les Bleus se détachent. Et la France exulte. Aux commentaires de la rencontre, Grégoire Margotton constate : « Quelle efficacité ! Quelle efficacité ! » À ses côtés, Bixente Lizarazu renchérit : « Olala… La réussite maximum pour les Bleus ! » Le quatrième pion planté par Kylian Mbappé quelques minutes plus tard renforcera ce sentiment de fortune (4-2).

​

Le sang-froid du serpent

​

Six tirs cadrés, quatre buts. Clinique, l’Équipe de France version 2018 vient d’entrer dans les livres d’histoire. Pour sa deuxième étoile acquise vingt ans après la première, bien sûr. Mais pas seulement. Une statistique en particulier démange les puristes du ballon rond : le taux de possession historiquement bas du champion. Avec 34,2%, les Bleus sont venus à bout des Vatreni croates. Avec 34,2%, seulement. Une anomalie dans le parcours triomphal des tricolores ? Pas vraiment. En contraste avec les deux derniers lauréats, l’Espagne en 2010 et l’Allemagne en 2014, les protégés de Didier Deschamps ont volontairement laissé le ballon à leurs adversaires durant la compétition, adoptant un style de jeu sûrement moins esthétique, mais tout aussi (voire plus ?) efficace.

​

En mondovision, les Bleus répètent les gammes du jeu de transition. Organisés autour d’un bloc bas, attentifs et attentistes, les finalistes de l’Euro 2016 profitent de la moindre erreur adverse pour se projeter rapidement dès la récupération du cuir. Un vent glacial frappe alors les arènes d’Ekaterinbourg, Kazan, Nijni-Novgorod, Saint-Pétersbourg ou Moscou lorsque le cobra tricolore mord à pleine dent son adversaire. En guise de venin : les coups de tête rageurs de Raphaël Varane et Samuel Umtiti, la frappe vicieuse d’Antoine Griezmann ou la vitesse de pointe de Kylian Mbappé. Le sang-froid du serpent. Et pendant que les victimes des Bleus pansent une à une leurs plaies, les favoris au graal mordent la poussière.

​

En tête du funeste cortège : la Nationalmannschaft. Championne du monde en titre, l’Allemagne tombe dès la phase de poules. Deux défaites face au Mexique et la Corée du Sud renvoient les hommes de Joachim Löw à la maison. Deux défaites durant lesquelles le lauréat 2014 affiche une possession de 66 et 74% pour… 0 but marqué. Stérile. Autre favori au tapis : l’Espagne. Après un premier tour mitigé (deux nuls, une victoire), la Roja balbutie son football en 8ème de finale. Au point de caricaturer un style de jeu propre à l’âge d’or ibérique (2008-2012). Poussés aux tirs au but par le pays hôte, les Espagnols comptabilisent 1 029 passes au terme des 120 minutes de jeu, soit 79% de possession. Le tout, pour un petit but marqué par… Sergueï Ignachevitch contre son camp.

​

Égale de l’Espagne et l’Allemagne

​

Incapables de forcer le verrou russe, les partenaires d’Iniesta prennent la porte dès le premier match à élimination directe. Dans le même genre, l’Argentine de Messi s’emmêle les pinceaux au premier tour, en concédant le nul face à l’Islande (1-1), puis en craquant face aux futurs finalistes croates (0-3). Au compteur : une possession décrétée à 78 et 57%. Ces mêmes Argentins qui, quelques jours plus tard, conserveront le ballon pendant près de 60% du temps face aux Bleus. On connaît la suite.  

​

« Moche » pour certains. « Gagne-petit » pour d’autres. Le style de jeu mis en place par Didier Deschamps l’été dernier est loin d’avoir convaincu. Mais sur le toit de la planète football, le Basque n’en a que faire. Lui et ses vingt-trois soldats sont champions du monde, au même titre que les poétiques Espagnols et Allemands précédemment. Événement footballistique à la plus vaste caisse de résonance, la Coupe du Monde est régulièrement révélatrice d’une époque, d’une philosophie de jeu. L’édition russe a prôné une idéologie faite de transition rapide et ultra-efficace, au détriment de ce fameux jeu de possession. Mais l’a-t-elle définitivement enterré pour autant ?

 

Florian Sermaise

bottom of page