
PEP GUARDIOLA, Le prophète
Actuel entraîneur de Manchester City, Josep Guardiola est un inconditionnel du jeu de passes et des mouvements en continu. Une philosophie que le Catalan a imprégnée durant son passage à l’école barcelonaise, aux côtés d’un certain Johan Cruyff. Portrait.
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Avec Manchester City, Pep Guardiola continue d’imposer sa philosophie de jeu, dont il s’est imprégné lors de sa formation et de son passage au FC Barcelone. (Crédit : The Star)
« Celui qui a le ballon a peur. Celui qui ne l’a pas est donc plus fort. » 2014. Du José Mourinho dans le texte. À l’époque, le Portugais officie son second mandat à Chelsea, en Angleterre. Loin, bien loin de ses duels titanesques entre son Real Madrid (2010-2013) et le FC Barcelone de Pep Guardiola, à qui la pique pourrait volontiers s’adresser connaissant le "Special One". Et pourtant.
Pan fan du… tiki-taka
2014, toujours. C’est désormais pour le compte du Bayern Munich que Pep, dit Josep Guardiola i Sala, exerce sa science tactique. Arrivé en Bavière un an plus tôt avec le statut de meilleur entraîneur du monde, le Catalan entame alors sa deuxième saison à la tête du Rekordmeister. Un championnat d’Allemagne remporté haut la main, une Supercoupe d’Europe et une Coupe du Monde des Clubs garnissent un peu plus le palmarès du géant allemand. Mais l’humiliante élimination en demi-finale de la Ligue des Champions par le Real Madrid (0-1 ; 0-4) reste en travers de la gorge.
Surtout : la philosophie de jeu prônée par Guardiola, faite de possession de balle, peine à s’instaurer dans l’antre de l’Allianz Arena. Mais plus étonnant encore : dans son livre "The inside story of Pep Guardiola's first season at Bayern Munich", le journaliste espagnol Marti Perarnau dévoile que le natif de Santpedor n’est pas un fan du… tiki-taka ! « Je n'aime pas toutes ces passes juste pour faire des passes, tout ce tiki-taka. C'est du gâchis et ça n'a aucune utilité. Vous devez passer la balle avec des intentions claires, avec l'intention de progresser vers l'avant », expliquait-il à son groupe, après une victoire à Nuremberg.

Malgré une philosophie de jeu parfois difficilement transmissible dans un club plus traditionnel, c'est les larmes aux yeux que Pep Guardiola quitte le Bayern Munich en 2016. (Crédit : Tout le monde s'en foot)

Pep Guardiola, à droite, en compagnie de son mentor : le légendaire hollandais Johan Cruyff. (Crédit : Daily Mail)
Ce fameux tiki-taka, pourtant identité de jeu d’un Barça au sommet de son art sous son commandement (2008-2012). Le lendemain, le général Guardiola poursuit, dans un entretien avec ses joueurs. « Le Barça ne faisait pas le tiki-taka. Ça a été complètement inventé. […] Le secret, c'est de surcharger un côté avant de renverser vers l'autre côté que l'équipe adverse a laissé libre. C'est pour cela qu'il faut se passer la balle, pour déstabiliser l'adversaire avec des intentions claires. Ça n'a rien à voir avec le tiki-taka. »
« Johan a construit la cathédrale, à nous de l’entretenir »
Le tiki-taka, l’Espagnol s’en imprègne pourtant à l’école barcelonaise. Durant sa formation à la Masía (1984-1990), tout d’abord, puis au cœur de la "Dream Team" pilotée par Johan Cruyff, ensuite. C’est d’ailleurs l’illustre hollandais qui lance le jeune milieu de terrain dans le grand bain. « Ce que personne ne voyait, c’est que Guardiola avait les qualités de base pour arriver au top : intelligence du jeu, rapidité d’exécution, technique. Le genre de choses que très peu de gens maîtrisent et qu’il possédait à un très haut niveau », confie Cruyff dans son autobiographie "Mémoires".
L’histoire est en marche, et Guardiola devient alors le chef d’un des plus grands orchestres du football. Avec, en point d’orgue, une partition rondement menée lors de la saison 1991-1992, afin d’offrir au club la première C1 de son histoire. Blaugrana jusqu’en 2001, Pep Guardiola retrouve rapidement l’institution catalane. En 2007, il est désigné comme entraîneur du Barça B, avant de prendre les rênes de l’équipe première un an plus tard. Le début d’une nouvelle symphonie barcelonesque. À l’image de celle dictée par son mentor néerlandais quelques années plus tôt : « Johan a construit la cathédrale, c’est à nous de l’entretenir ».
Prophète d’une philosophie de jeu ayant bouleversé le football, Guardiola enchante les amoureux du ballon rond. Et garnit, accessoirement, la salle des trophées du géant catalan. Dont un historique sextuplé en 2009. « Ainsi, Barcelone prouvait à nouveau que le football pouvait offrir à la fois du spectacle et des buts », résume, toujours dans son autobiographie, le "Hollandais volant" Johan Cruyff.

Le point d'orgue de la "Dream Team" barcelonaise, pilotée par Johan Cruyff et sublimée par le milieu de terrain Pep Guardiola : la première Ligue des Champions de l'histoire du Barça remportée en 1992. (Crédit : SoFoot)
Vingt-sixième titre depuis 2008
Le requiem catalan prend fin en 2012 pour Guardiola, « vidé » par ses années de gloire. À la baguette, il confie à son adjoint Tito Vilanova l’héritage d’un football de rêve. Et s’offre, de son côté, une année sabbatique bien méritée, durant laquelle il parfait son apprentissage de l’allemand. 2013 : direction Munich, donc, où un football plus traditionnel est roi. Jamais, vraiment, Guardiola ne parvient à convaincre de sa philosophie. Et à changer us et coutumes d’un Bayern pourtant trois fois champion d’Allemagne sous ses ordres.
L’entraîneur de l’année 2011 déménage alors en Premier League où Manchester City l’attend les bras ouverts. Avec les Sky Blues, Guardiola dépoussière un championnat souvent raillé pour son jeu physique ou son kick and rush désormais révolu. Et comme en Catalogne et en Bavière, le disciple de Cruyff empile les succès. Dans le nord-ouest de l’Angleterre, le palmarès de Guardiola l’entraîneur continue de gonfler à vue d’œil. Le 24 février dernier, en remportant la League Cup face à Chelsea, le Catalan s’offre son 26ème titre depuis sa prise de fonction du FC Barcelone en 2008. Le tout, à coup de redoublement de passes rapides et de mouvements en continu. Alors, peureux Josep Guardiola ? Peut-être. Mais un peureux couronné.

En 2009, Pep Guardiola remporte la première de ses deux Ligues des Champions avec le Barça. Le trophée le plus prestigieux de ses 26 titres glanés depuis le début de sa carrière d'entraîneur. (Crédit : Daily Mail)
Florian Sermaise